Une grande bouffée d’Art frais avec Fabienne Verdier

Une grande bouffée d’Art frais avec Fabienne Verdier

Toujours soucieux d’élargir son propos, le Musée Granet ne cache pas son affinité pour l’art contemporain qu’il met régulièrement à l’honneur. C’est donc tout naturellement que son Directeur, Bruno Ely, a eu l’idée de proposer à Fabienne Verdier une rétrospective consacrée à son œuvre.

Artiste contemporaine majeure dont la renommée dépasse aujourd’hui largement les frontières de l’hexagone, Fabienne Verdier est partie, le temps d’une saison artistique, à la découverte des terres de Paul Cézanne. A Aix-En-Provence, elle a expérimenté pour la première fois un atelier nomade qui lui a permis de peindre au plus près de son motif, la montagne Sainte Victoire. De cet ancrage dans un paysage, est né un projet artistique d’art contemporain sortant des champs habituels d’expression.

A défaut de rendre le monde meilleur, la création contemporaine semble avoir pour fonction première de nous convier à emprunter des chemins de traverse à la rencontre d’artistes dont les talents multi-sensoriels nous aident à comprendre ce monde. De ses longues années d’apprentissage auprès des maîtres chinois, Fabienne Verdier a rapporté une technique et une sensibilité uniques qui lui permettent de capter l’insaisissable, de faire surgir avec hardiesse des formes dynamiques et une certaine idée du monde.

Fabienne Verdier se nourrit de ses rencontres et de ses expériences pour sans cesse renouveler  le monde du réel. A travers ce dialogue constant qu’elle entretient avec d’autres artistes, penseurs ou scientifiques, l’artiste nous invite à aller voir ailleurs dans le passé, le présent et le futur. 

« Il y a trop d’immobilité pour représenter le monde, je préfère explorer, vagabonder dans le monde »

D’un geste créatif unique, elle replace l’humain au centre des forces du monde et en brosse avec talent les expressions, les émotions. Chez Fabienne Verdier, il est question du vivant, des forces de la nature, ses traits sont ceux qui saisissent l’instant, la vie. 

Les Walking peintures, une technique unique

Persuadée que la matière ne prend de l’ampleur que dans le mouvement, Fabienne Verdier choisit d’abandonner les nombreux pinceaux traditionnels au délié classique dont elle a appris l’usage en Chine pour créer un pinceau monumental à la dimension de son corps et des toiles tout aussi monumentales qu’elle réalise maintenant. En 2006, son nouvel atelier, conçu par l’architecte Denis Valode, voit le jour, entièrement organisé autour d’une fosse au-dessus de laquelle elle manœuvre, grâce à un jeu de poulies, un pinceau pesant près de 60 kg et fabriqué avec 25 queues de chevaux. La force de la gravitation devient alors l’un des acteurs de sa peinture. Le corps se déplace pour donner son énergie.

« La matière prend de l’ampleur dans le mouvement »

Les imposants châssis en bois sont fabriqués sur-mesure, puis il faut plusieurs jours pour préparer les fonds qu’il s’agit de rendre vivant comme s’ils étaient habités de micro-organismes. Et enfin surgit la forme, souvent avec une grande fulgurance et une spontanéité qu’elle a appris à apprivoiser au fil des années.

L’atelier nomade sur les traces de Paul Cézanne

C’est un véritable défi que Bruno Ely lance à Fabienne Verdier en 2017 au retour d’une balade en sa compagnie sur la Sainte-Victoire. Quitter pour la première fois son atelier, pour peindre oui, mais pas seulement. Dessiner, marcher, gravir les sentiers escarpés, être confrontée directement à la nature, aux éléments parfois rudes. Accompagnée par son mari et son fils, l’artiste imagine un atelier laboratoire mobile, une structure métallique de près de 300 kg qui lui permet de peindre sur les sites naturels afin d’en apprécier la lumière à toute heure, d’éveiller chacun de ses sens, de s’approprier à loisir l’espace. Durant plusieurs mois, elle a senti la présence vibratoire de la réalité de la montagne, joué avec le vent, la grêle, elle a appris à apprivoiser les impacts, les stigmates des éléments de la nature sur son œuvre. 

« J’ai ressenti un grand choc au contact de cette nature, les formes de la réalité ne sont pas celles que l’on croît, la réalité de la Sainte-Victoire est bien plus complexe qu’on le pense »

Une mise en danger qui a pris la forme d’une aventure humaine remarquable dont elle avoue qu’elle l’a profondément touchée tant elle fut émue par la beauté et la violence de la nature.

Ses deux années passées sur le motif cézannien ont permis à Fabienne Verdier d’accumuler des centaines d’œuvres (dessins, peintures, gouaches etc.), réalisées au sommet ou aux alentours de la montagne mythique. 

Une saison qui se décline en trois lieux

Pour cette rétrospective exceptionnelle, trois institutions culturelles d’Aix-En-Provence (le Musée Granet, Le Pavillon de Vendôme et la Galerie Zola de la cité du livre) ont conjugué leurs talents afin de permettre à l’artiste d’exprimer pleinement toutes les facettes de son art.

Si le Musée Granet consacre un espace de 450m2 à l’exposition retraçant le parcours de Fabienne depuis son retour de Chine jusqu’aux œuvres créées ces derniers mois au cœur du massif de la Sainte-Victoire, le musée du Pavillon de Vendôme présente ses techniques de travail, on y découvre ses pinceaux et ses dessins ainsi qu’un film permettant de comprendre la complexité de son processus créatif. Orchestrée par Alexandre Vanautgaerden, historien de l’art belge qui a travaillé avec un grand nombre d’artistes afin de mettre en résonnance le patrimoine et le monde de la recherche. Tandis que la cité du livre offre une œuvre cinématographique issue d’une résidence durant l’été 2017 sur l’invitation de l’académie du festival d’art lyrique d’Aix-En-Provence. On y comprend la force du travail qu’elle a effectué avec quatre jeunes quatuors et comment l’écriture propre à chaque œuvre musicale peut faire émerger sous le pinceau des vides et des formes qui feraient entendre ces œuvres d’une façon nouvelle. Une installation vidéo qui donne à voir et à entendre l’étroite résonnance entre peinture et musique.

Une saison, trois lieux et l’art s’envisage dans sa globalité.

Synthèse de presque 40 années de réflexion et de travail, cette rétrospective constitue une plongée inédite au cœur du processus créatif de Fabienne Verdier. A travers ces installations, Fabienne Verdier communique aux visiteurs l’indicible grâce de l’art. Gageons que le geste créateur si singulier de Fabienne Verdier entrera dans l’histoire mondiale de l’art.

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